Quebec History Curriculum: Un programme tout en incohérences

This month’s post on Quebec’s history curriculum was written by Catherine Déry, a PhD candidate at Collège Jean-de-Brébeuf. Click here for an English translation: Quebec History Curriculum: A Program with Inconsistencies

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Au Québec, en septembre 2016, un nouveau programme d’Histoire du Québec et du Canada entre en vigueur en troisième secondaire. Le programme, applicable sur deux ans, couvre chronologiquement la période de 1500 à aujourd’hui. Quinze ans après l’application du renouveau pédagogique, introduisant une perspective socioconstructiviste et l’évaluation par compétences, et neuf ans après l’entrée en vigueur du programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté au deuxième cycle du secondaire, qu’est-ce qui justifie une nouvelle réforme du programme de deuxième cycle? Pourquoi ce programme fait-il l’objet de débats animés dans la sphère publique alors que celui du premier cycle n’a jamais soulevé les passions?

Dans un collectif paru récemment, Éthier, Boutonnet, Demers et Lefrançois (2017) analysent et critiquent le nouveau programme d’Histoire du Québec et du Canada. Ce changement de programme en histoire au Québec a été à la fois le résultat et le déclencheur de débats concernant le sens de l’histoire et les finalités de son enseignement (Éthier et Lefrançois, 2017). Seul le programme d’histoire nationale a été ciblé parce qu’il est à l’intersection des demandes sociales concernant la mémoire collective, l’identité et la citoyenneté ainsi que la pensée critique.

Un contexte occidental de remise en question des histoires nationales

Au Québec, le contexte des années 1960 pousse la Commission Parent à favoriser la remise en question du roman national canadien-français et la mise en place de l’enseignement d’une histoire « scientifique » afin de former des citoyens participatifs et critiques (Éthier et Lefrançois, 2017). La formation de citoyens à l’aide de l’histoire n’est pas une idée nouvelle à l’époque. Ce qui était nouveau, c’était de rejeter l’approche selon laquelle l’enseignement de l’histoire est la transmission d’un récit national unique. Ces deux approches s’opposent à divers degrés dans les différentes versions du programme d’histoire nationale entre 1960 et 2017 :

« les propriétés et fonctions du récit promu (ou non) par ces programmes [les programmes de 1960 à 2017] dépendent […] de la visée de formation des citoyens, dont deux principales modalités s’affrontent : soit former des citoyens capables de se servir de l’histoire comme un outil pour se comprendre et comprendre le monde, soit former des citoyens au service d’une mémoire changeante, d’une mémoire dont le contenu se modifie lui-même au gré des changements de la définition du « nous » québécois. » (Éthier et Lefrançois, 2017, p. 50).

Demers (2017), quant à elle, montre que le débat sur la remise en question des romans nationaux semble être transférable d’un pays occidental à l’autre, avec une cristallisation dans une opposition binaire.

« D’un côté, on retrouverait les partisans d’obédience libérale d’un cours d’histoire à la fois plus inclusif des perspectives de divers groupes de protagonistes (longtemps relégués au silence historique) et problématisant les dogmes d’un récit historique linéaire et, de l’autre, des conservateurs et des conservatrices mobilisés autour de la mémoire idyllique […], d’une histoire de grands personnages dont les actions témoigneraient d’une longue marche vers un destin providentiel » (Demers, 2017, p. 83).

Les auteurs proposent plutôt de faire « [a]pprendre l’histoire en la pratiquant rigoureusement […], c’est-à-dire en problématisant les phénomènes sociohistoriques, en déployant des modes historiens de pensée pour interpréter les sources [ce qui] constitue […] un élément clé de la formation citoyenne » (Demers, 2017, p. 93). Cet élément clé n’est pas suffisant si les élèves n’ont pas la possibilité de s’exprimer sur des enjeux réels.

Les incohérences dans les finalités et dans les indications à l’enseignement

La problématisation et le développement de la pensée historienne sont présents dans le plus récent programme, mais, selon l’analyse de contenu opérée par Boutonnet (2017), ils forment plutôt une sorte de vœu pieux, qui n’est pas supporté par la forme et la structure prescrites pour les apprentissages. D’une part, le programme propose de « développer les aptitudes critiques et délibératives » (Gouvernement du Québec, 2017, p. 3) des élèves. D’autre part, il présente pour chacun des huit chapitres ce qu’il appelle la précision des connaissances, des éléments de connaissances plus ou moins spécifiques sur le contenu qui doit être enseigné. Toutefois, aucune hiérarchisation ou piste de problématisation ne sont offertes pour traiter ces éléments de connaissances, favorisant ainsi la mémorisation, mais ne garantissant pas « le développement d’habiletés critiques et interprétatives » (Boutonnet, 2017, p. 74).

Un exemple de présentation des contenus de formation à traiter pour la période 1608 à 1760 (Gouvernement du Québec, 2017, p. 27)

Les précisions des connaissances pour la période 1608 à 1760 (Gouvernement du Québec, 2017, p. 28)

En conclusion, ce nouveau programme est le résultat de forces opposées qui défendent des visées distinctes pour l’enseignement de l’histoire. Même si la vision plus scientifique de l’histoire est présente en surface, le programme ne propose aucune piste concrète pour assurer un enseignement explicite des habiletés critiques de haut niveau rattachées à l’histoire. De plus, il s’est détourné de l’enseignement conceptuel prescrit dans l’ancien programme et insiste davantage sur des éléments de connaissances dites essentielles – à un récit national – qui ne sont ni hiérarchisées ni problématisées, ce qui fait craindre à Éthier et ses collaborateurs (2017) un retour en arrière important, qui ne correspond pas aux recherches des dernières décennies en didactique de l’histoire.

Catherine Déry, doctorante en didactique de l’histoire et enseignante au Collège Jean-de-Brébeuf.

Références

Boutonnet, V. (2017). Une analyse du contenu proposé par le nouveau programme d’histoire. Dans M.-A. Éthier, V. Boutonnet, S. Demers et D. Lefrançois (dir.), Quel sens pour l’histoire? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada (p. 61-79). Pointe-Calumet, Canada : M Éditeur.

Demers, S. (2017). Pourquoi enseigner l’histoire? Pourquoi l’apprendre? Un regard critique sur les visées du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada au secondaire. Dans M.-A. Éthier, V. Boutonnet, S. Demers et D. Lefrançois (dir.), Quel sens pour l’histoire? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada (p. 81-93). Pointe-Calumet, Canada : M Éditeur.

Éthier, M.-A. et Lefrançois, D. (2017). Histoire des programmes antérieurs. Dans M.-A. Éthier, V. Boutonnet, S. Demers et D. Lefrançois (dir.), Quel sens pour l’histoire? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada (p. 49-59). Pointe-Calumet, Canada : M Éditeur.

Éthier, M.-A., Boutonnet, V., Demers S. et Lefrançois D. (dir.), Quel sens pour l’histoire? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada. Pointe-Calumet, Canada : M Éditeur.

Gouvernement du Québec. (2017). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire. Histoire du Québec et du Canada. Troisième et quatrième secondaire. Québec, Canada : Gouvernement du Québec.


Quebec History Curriculum: A Program with Inconsistencies

In September 2016, a new history curriculum focused on Quebec and Canada was established for the third level of secondary school in Quebec (the equivalent of grade 9 in most English Canadian provinces). The program, applied over two years, covers the period from 1500 to the present. Given that it has only been fifteen years since pedagogical approaches in the curriculum were renewed to introduce social-constructionist perspectives and the evaluation of competencies, and only nine years after citizenship education was added to the second level in Quebec’s secondary schools, what justified this most recent change? Why did these changes spark public debate, while similar curricular changes were less publicly charged?

Éthier, Boutonnet, Demers and Lafrançois (2017) recently analyzed and critiqued the Quebec’s new history program. They found that this change was both caused, but also sparked, by public debates about the purpose of history and its teaching (Éthier and Lefrançois, 2017). Only the national history program is addressed here because it is at the intersection of questions about collective memory, identity, citizenship, and critical thinking.

Questioning National Histories

Thinking about history in Quebec changed in the 1960s. Following the Parent Commission, a focus on a French Canadian national narrative was replaced by a curricular emphasis on “scientific” history with the purpose of preparing a critical citizenry (Éthier and Lefrançois, 2017). Using history to form citizens was not a new idea. What was new, however, was the abandonment of a national historical narrative.

Between 1960 and 2017, the relationship between these two approaches varied in the deployment of national history curricula:

“the specific details and functions of the histories promoted (or not) by history programs between 1960 and 2017 depended upon how citizen formation was envisioned. The two main methods conflicted: to cultivate citizens capable of using history to understand themselves and their place in the world; or to prepare citizens for a context in which collective memory changes, whereby the content itself shifts alongside a changing definition of “us,” les Québecois” (Éthier and Lefrançois, 2017, p. 50).

According to Demers (2017), this debate over national narratives and the teaching of history is transferable from one western country to another, usually crystalizing in polarized discussions.

“On the one side, we find a liberal perspective which emphasizes inclusive perspectives of diverse groups (whose histories, for a long time, have been untold by historians); their perspectives problematize the central components of linear historical narratives. On the other side, conservatives mobilize around an idyllic memory… focused on important individuals whose actions demonstrate a long march towards progress” (Demers, 2017, p. 83)

The authors propose, rather, to “teach history through rigorous practice; that is to say, by problematizing socio-historical phenomenon. Using historical thinking approaches to interpret sources that form… an important element for citizenship” (Demers, 2017, p. 93). These approaches are not sufficient, however, if students are not able to express their ideas about real issues.

Inconsistencies in the Purpose for, and Practice of, Teaching

A focus on historical thinking is present in the new curriculum but, according to Boutonnet’s 2017 study of its content, its application is more wishful than rigorous; the form and structure of the curriculum does not adequately engage students with this pedagogical approach.

On the one hand, the history curriculum proposes to “develop critical and deliberative aptitudes” in students (Government of Quebec, 2017, p. 3); while at the same time, it presents for each of its eight chapters something is calls “precise understanding,” whereby it outlines specific content that should be taught.

No pathway or framework is put forward for students to digest these pieces of knowledge, favouring instead memorization, and therefore putting into question the curriculum’s ability to “develop critical and interpretive skills” (Boutonnet, 2017, p.74).

In conclusion, this new program is the result of opposed visions for how the past should be taught. Yes, a more scientific vision of history is presented on the surface, but there is no specific framework to ensure that advanced and critical historical thinking skills are developed in the history classroom.

What’s more, the curriculum has moved away from conceptual frameworks in earlier curricula, insisting instead that some pieces of knowledge are essential: the building blocks of a national narrative. Without a suitable framework for situating, and critically thinking with, these pieces of knowledge, Éthier et al. fear a retrenchment in the curriculum that does not at all correspond with decades-old research on the didactics of teaching.

Catherine Déry is a PhD candidate in history education and teacher at Collège Jean-de-Brébeuf. This essay was translated by Tom Peace.

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2 thoughts on “Quebec History Curriculum: Un programme tout en incohérences

  1. José Igartua

    Ayant accompagné mon petit-fils dans la révision du programme pour Secondaire IV, j’irai plus loin que de dire que le programme “favorise” la mémorisation. Dans les éléments qui entrent dans la “caractérisation” d’une période historique, il n’y a que de la mémorisation qui est demandée de l’élève. Si on avait voulu faire détester l’histoire nationale aux ados du secondaire, on n’aurait pas procédé autrement!

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